Texte classique extrait de la revue
Beaux Jours
Nous habitions alors à l'ombre d'un grand pin.
A la belle saison, le dimanche matin,
Tout au bord d'un canal drainant une lagune,
Quatre vélos partaient, cap sur la grande dune.
Le sable accumulé par les frasques du vent,
A mettre pied à terre obligeait bien souvent.
On se perdait de vue dans la rousse fougère,
Les bras s'égratignaient aux rameaux de bruyère.
Emotion de nos cœurs battant à l'unisson
Lorsqu'enfin paraissaient, au bleu de l'horizon,
Les rouleaux moutonnants, pressés en ribambelle
De glisser sur le sable en festons de dentelle.
Nous pourchassions le crabe, un château s'érigeait.
Attirante au soleil, la baïne s'offrait :
Nous savions le danger de son eau si paisible
Dans laquelle passait un flux irrépressible.
Le sandwich au jambon craquait fort sous la dent
Mais valait le menu du meilleur restaurant.
Grisés par l'air marin, saoulés de grenadine,
Nous écoutions mon père entonner « Nuit de Chine ».
Maman s'époumonait sur un air de Carmen
Pendant que nous tentions d'extirper un solen *.
L'appareil, un instant, faisait
prendre la pause :
Nous nous sentions géants dans ce décor grandiose.
L'album de notre enfance en garde souvenir,
Pourquoi faut-il si tôt se résoudre à grandir ?
* NDLR : solen, un mollusque communément appelé « couteau »
Danielle MORELLO